Vous avez 45 ou 50 ans, vous êtes dans le monde du travail depuis 20 ans environ, vous avez
enchainé les postes, éventuellement changé d’entreprise deux ou trois fois, tout cela sans vraiment y réfléchir : vous étiez occupé à votre ascension sociale et professionnelle, à la construction de votre vie, de votre identité, de votre famille.

Et là, tout d’un coup, c’est la panne…

D’où vient cette impression de saturation, de lassitude ? Comment expliquer ce manque d’enthousiasme, de vibration ? Pourquoi ce doute et ce questionnement, qui vous font penser : « je suis arrivé au bout de quelque chose, je n’apprends plus, je ne sais pas si j’ai envie de faire encore plus de la même
chose… »

Et ce, d’autant plus que vous êtes en forte réussite professionnelle, que vous avez énormément investi et que tout s’est bien passé jusqu’ici !

Ce que vous vivez, c’est la CMV : la « Crise de Milieu de Vie ».

Une étape « normale »

Cette « crise », vous diront les psys, est une étape absolument normale dans la vie de toute personne. Elle ne nécessite, en général, ni passage sur le divan d’un thérapeute ni consommation d’anti-dépresseurs ou autres psychotropes.

Dans le monde professionnel, cette étape correspond, peu ou prou, à un moment charnière : le « milieu de carrière ».

20 ans derrière soi, mais aussi 20 ans devant !!! Si vous avez roulé en pilote automatique jusqu’ici, portés par les opportunités que l’entreprise vous a offertes, vous avez maintenant envie (ou besoin ?) de décider quelle route emprunter pour cette prochaine période.

Et c’est là que l’entreprise vous fait défaut.

Mais que fait l’entreprise ?

En effet, depuis de longues années, l’entreprise a construit, mis en place et peaufiné toutes les politiques RH et dispositifs de nature à attirer, recruter des collaborateurs, à accompagner leur développement. Elles se sont assurées de leur engagement à travers des systèmes sophistiqués de motivation, d’évolution de carrière et de rémunération. Oui vraiment, l’entreprise est devenue experte pour accompagner l’ascension professionnelle de ses collaborateurs.

Mais elle semble bien démunie face à la maturité professionnelle d’une population de plus en plus nombreuse (compte tenu de la pyramide des âges) : les quadras / quinquas, ces personnes expérimentées, matures, qui possèdent des compétences solides, une hauteur de vue précieuse et une énergie qui ne demande qu’à être utilisée… mais qui ne « mordent » plus aux systèmes proposés par l’entreprise.

Pas de réponse unique

Que constate-t-on pour ces quadras / quinquas ?

D’après Fabienne Autier*, professeur-chercheur à l’EM Lyon, il n’y a pas de réponse unique.

Certains vont se réinvestir dans un nième poste (la répétition de ce qu’ils ont déjà fait), puisant leur énergie dans leur espoir de tenir jusqu’à la retraite (avec parfois des incidents de parcours : épuisement, burnout…). D’autres se mettent en retrait par rapport au travail, dans une stratégie d’économie, pour privilégier des centres d’intérêt en dehors de l’entreprise (et donc une forte réduction de l’engagement). D’autres enfin, peuvent opérer un changement radical (une reconversion) pour se lancer dans une activité totalement différente (dans ou hors de l’entreprise).

Dans tous les cas, la solution ne pouvant être qu’individuelle, l’entreprise est impuissante à offrir des dispositifs pertinents et applicables à chacun.

Que faire, alors ?

Du côté de l’entreprise : a minima, elle doit prendre conscience de cette réalité, en refusant cette forme de résignation à considérer les quadras / quinquas, à mesure qu’ils avancent en âge, comme des « boulets » qu’il faut bien garder jusqu’à ce que l’on puisse les faire partir dignement en retraite.

Elle doit également mettre en place les conditions et les espaces pour permettre à ces personnes de se questionner, de conduire une réflexion ouverte et positive sur leurs talents et leurs motivations, de trouver leur utilité dans un projet de nature à déclencher un engagement durable, au bénéfice de l’ensemble des acteurs.

Elle doit enfin, nous semble-t-il, entamer une réflexion sur la création de métiers et d’emplois transverses (hors management), nécessitant recul et maturité professionnelle, et indispensables en cette période de profondes transformations humaines et organisationnelles.

Et pour vous, quadra ou quinqua ?

Notre meilleur conseil est de vous inviter à faire un point « appréciatif » sur votre identité professionnelle : vos talents, les compétences que vous avez acquises, vos réussites et les forces qui les ont favorisées… De prendre conscience de ce que vous êtes capable d’apporter, de créer, de transmettre. Et de réfléchir, fort de votre recul et de votre expérience, seul ou accompagné, au meilleur choix à faire pour vos prochaines étapes professionnelles, pour vous permettre de passer du « je veux Plus » au « je veux Mieux ».

*Autier / Ramboatiana : »Quadras, quinquas, CRISE DE MOTIVATION AU TRAVAIL ? », ed. Gereso – 2016

20 ans derrière et 20 devant : la « Crise de Milieu de Vie professionnelle ».