Imaginez-vous pilotant un avion. Les instruments de bord vous permettent de savoir comment se passe le vol et si vous constatez un défaut dans la trajectoire, vous allez intervenir… Car sans correction, la trajectoire continuerait de dévier, avec les conséquences que vous pouvez facilement vous représenter !

C’est cela le feedback: déviation /correction (ou, du côté positif : félicitation /encouragement à continuer) …

Pas de feedback ? le défaut persiste…

Mais en management, c’est de relation humaine qu’il est question, et les choses sont plus difficiles qu’avec des instruments.

En effet, tant qu’il est question de féliciter pour inviter le collaborateur à poursuivre dans cette voie, tout se passe à peu près bien. Encore que les bravos ne soient pas ce que le manager distribue le plus facilement (« Pourquoi lui dire ? il le sait, que c’est bien » Voire « On n’est pas au pays des Bisounours » …).

Mais qu’il s’agisse de souligner une performance insuffisante ou un comportement inadéquat : la plupart du temps, le manager recule devant la difficulté à dire les choses à son collaborateur. Les freins sont multiples :

Je ne peux pas lui dire cela, il va mal le prendre, ça va lui faire de la peine…
Ça va nuire à nos relations, c’est difficile quand on se voit tous les jours
Il va m’accuser de mal le traiter, de le harceler… Je vais avoir des ennuis avec les RH…
Je vais laisser passer cette fois, peut-être qu’il ne recommencera pas
Je lui dirai lors de l’entretien annuel…

Toujours est-il que rien n’est dit et que la vie continue… jusqu’à l’entretien annuel, où le manager se retrouve confronté à la même difficulté, voire pire, puisque les faits sont passés et qu’il n’a rien dit au moment où ils se sont produits.

Le résultat de ce défaut de feedback est la mise en place d’un solide cercle vicieux : plus le manager retarde le feedback, moins celui-ci semble pertinent et cohérent avec le laisser faire précédent. Le collaborateur va donc reproduire son insuffisance de performance ou son attitude insatisfaisante en toute ignorance ou « impunité » (selon son niveau de conscience du problème). Et le manager osera de moins en moins lui en faire la remarque, ne l’ayant pas faite les fois précédentes. Surtout s’il ne se sent pas totalement soutenu par les RH…

S’il craignait de détruire la relation avec son collaborateur, c’est chose faite de toutes façons, dans un non-dit de plus en plus empoisonné… Sans compter que le défaut persiste toujours.

Quant au feedback positif, ne pas en donner conduit, bien plus que le manager ne le soupçonne, au découragement, à la démotivation et au désengagement. Et il perd la performance de son collaborateur…

Qu’en est-il de l’équipe ?

Le problème, c’est que cette situation ne se réduit pas à la relation bilatérale entre le manager et ce collaborateur : n’oublions pas que l’équipe observe et voit ce qui se passe.

Eventuellement, elle subit les conséquences de l’insuffisance du collègue en question, en récupérant le travail qu’il ne fait pas (ou fait mal), ou la charge supplémentaire. Attention alors au sentiment d’injustice et de frustration qui peut s’installer, avec le risque que certains finissent par « poser le crayon » au bout de quelque temps. Et alors adieu l’atteinte des objectifs, pour l’ensemble de l’équipe.

Ou bien, s’il s’agit de comportements indésirables de ce collaborateur, et que les collègues en ont été témoins, il y a de bonnes chances pour qu’ils se demandent quand le manager va réagir. Pire, leur opinion est peut-être déjà faite à son propos, surtout si cela se répète…

Dans ce cas, son image risque fort de souffrir de son manque de fermeté, alors qu’il pensait passer pour « le chef sympa » avec qui tout se passe bien.

Si l’on résume, nous avons :

  • Un collaborateur n’ayant reçu ni information sur son travail ou son attitude, ni recadrage
  • Un manager qui s’en veut de ne pas arriver à lui dire les choses
  • Une équipe frustrée et / ou surchargée, voire démotivée
  • Et la performance menacée.

Et ce n’est pas tout…

Que se passe-t-il pour l’entreprise ?

Dans certaines entreprises, l’absence de feedback est « culturelle » : les habitudes sont ancrées depuis longtemps, et il est acquis (même si ce n’est pas dit de manière explicite) qu’on « ne dit pas quand ça ne va pas ».

En résulte une sorte de règle diffuse, non écrite, qui autorise finalement la non performance ou des attitudes « indésirables », en se persuadant que les cas sont rares et ponctuels, et en espérant que la majorité des collaborateurs feront tout leur possible pour que le travail soit fait et bien fait.

Ce qui se produit à peu près, mais avec un double risque à moyen ou long terme : l’entreprise atteindra ses objectifs, mais au prix de l’épuisement de ses collaborateurs les plus engagés ; ou bien le sentiment d’injustice et la démotivation gagneront peu à peu, entrainant une baisse de performance globale.

Le bilan peut être lourd… comment faire ?

Au niveau de chaque manager :

  • Se rendre compte que l’impact du défaut de feedback n’est pas circonscrit à la relation avec le collaborateur concerné : cela touche toute l’équipe, et multiplié par n managers, toute l’entreprise.
  • Reprendre une piqûre de rappel (formation ou coaching) sur les principes et la pratique d’un feedback efficace (réagir le plus tôt possible, bien préparer, parler des faits, sans jugement…)

Au niveau de l’entreprise, ne pas perdre de vue qu’une culture de feedback, cela S’INSTALLE :

  • En inscrivant le feedback, non seulement dans les pratiques managériales « de base », mais dans toutes les pratiques de coopération ;
  • En alignant le système de management (process d’entretien annuel, règles de comportement, droit à l’erreur…) ;
  • En optant pour une cohérence d’attitudes et de discours entre RH et Management ;
  • En faisant preuve d’exemplarité et de courage managérial sur TOUTE la ligne hiérarchique.

Et bien entendu, au niveau des Ressources Humaines, il est essentiel que les professionnels RH jouent leur rôle de partenaires du Management, en encourageant ces pratiques de Feedback et en armant les managers pour y exceller.

Ne pas faire de feedback nuit gravement à l’entreprise